De collègue à patron : réussir la transition du nouveau gestionnaire

Que se passe-t-il quand, du jour au lendemain, votre rôle change et que vous devez diriger les collègues avec qui vous travailliez hier ?

Cette transition est l’une des plus délicates dans une carrière. Elle n’est pas seulement un changement de poste : elle représente une transformation psychologique qui bouscule les repères, oblige à revoir ses attitudes et parfois même une partie de son identité (Bridges, 2003; Desmarais, 2010).

C’est un véritable processus de deuil. Le gestionnaire laisse derrière lui son rôle d’expert et son identité de collègue pour endosser une fonction plus exigeante, plus exposée, parfois déroutante. La transition est lente, invisible aux yeux des autres, mais lourde à porter intérieurement. Beaucoup la vivent seuls, avec la pression de montrer une façade de solidité devant leur patron et leur équipe, tout en doutant profondément.

L’un des pièges est de croire que ce qui a fait sa réussite hier l’aidera à réussir demain. Watkins, dans 90 jours pour réussir sa prise de poste, le dit clairement : « Le plus grand piège est de supposer que les clefs de vos succès d’hier sont celles de vos réussites futures. » Pourtant, beaucoup de nouveaux gestionnaires s’y accrochent, par peur ou insécurité. Ils continuent de faire eux-mêmes, au lieu de guider et déléguer. Mais s’il reste prisonnier de ses anciennes tâches, il s’épuise et passe à côté de l’essentiel : être là pour orienter et faire grandir son équipe.

Le vrai choc se trouve aussi dans les relations. Il n’est plus vu comme le collègue d’hier. Il incarne désormais une autorité, parfois testée, parfois contestée. Comme le racontait un gestionnaire promu à l’interne : « Ça fait dix ans que je côtoie cette équipe comme collègue et aujourd’hui, je les découvre sous un autre angle. J’ai l’impression qu’ils testent mon leadership et multiplient les demandes. » Tout bascule : les relations changent, les attentes aussi.

À cela s’ajoute un contexte organisationnel exigeant. Le gestionnaire doit composer avec la pénurie de main-d’œuvre, des exigences contradictoires, des transformations technologiques rapides et le travail à distance qui fragilise les liens humains. Comment maintenir la confiance quand les échanges passent par un écran ? Comment garder l’équipe engagée quand chacun vit l’incertitude différemment ? Dans ce chaos, sa responsabilité est immense : communiquer les bonnes et mauvaises nouvelles, accompagner les membres de l’équipe en détresse, gérer le changement, recruter, maintenir la motivation et la cohésion.

Pour réussir, il doit développer trois qualités essentielles. Le courage, pour assumer des décisions, même les plus impopulaires. L’humilité, pour reconnaître la valeur des autres, accepter de ne pas tout savoir et apprendre encore. La résilience, enfin, pour transformer ses erreurs en apprentissages et rebondir face aux difficultés. Ces qualités ne s’improvisent pas : elles se développent avec le temps et surtout grâce à un environnement propice.

C’est là qu’intervient la notion d’espace sécuritaire « safe space ». Le gestionnaire a besoin d’un tel espace pour exprimer ses doutes, tester ses idées et reconnaître ses erreurs sans crainte d’être jugé. Mais sa responsabilité ne s’arrête pas là : il doit aussi créer ce même espace avec son équipe et, surtout, entre les membres de l’équipe. Car une équipe performante ne repose pas seulement sur des individus compétents, mais sur la qualité des liens qui les unissent. Un climat de confiance, où chacun peut parler vrai, est le socle de la performance collective.

Alors, une question demeure : qui prend soin de l’humain derrière le rôle de gestionnaire ? Car derrière les indicateurs, les plans d’action et les décisions difficiles, il y a une personne qui doute, qui cherche, qui apprend.

Être gestionnaire, ce n’est pas seulement livrer des résultats. C’est aussi apprendre à mieux se connaître, créer des espaces sécuritaires pour soi et pour les autres, et garder en tête qu’il dirige avant tout des êtres humains. Et c’est peut-être là que réside la vraie force d’un leader : rester profondément humain, même dans l’incertitude.

Alors, posez-vous cette question essentielle : si vous n’aviez ni titre ni autorité, croyez-vous que les gens vous suivraient ?

Fouzia Boukhira : Texte tiré et adapté de mon livre Les 101 bonnes pratiques de management.

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9 octobre 2025